



Fragilisé, le MLC doit inventer l'opposition à Kabila sans Bemba
Privé de son chef charismatique Jean-Pierre Bemba, arrêté sur mandat de la Cour pénale internationale (CPI), le Mouvement de libération du Congo (MLC) doit de réorganiser rapidement s'il veut conserver la tête d'une opposition crédible en République démocratique du Congo (RDC).
"Bemba représentait l'opposant, le seul rival de taille (du président de RDC) Joseph Kabila. Si le MLC est incapable de se relever de sa décapitation, il offrira un boulevard au pouvoir", estime un observateur de la vie politique congolaise. Le premier réflexe du principal parti d'opposition du pays a été de serrer les rangs autour du chef disparu, en dénonçant l'épreuve "injuste" imposée au sénateur Bemba, arrêté samedi à Bruxelles sur mandat de la CPI.
L'ex-vice-président de RDC est poursuivi pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité, notamment des viols et actes de tortures, commis par ses hommes en Centrafrique en 2002 et 2003. Le MLC a dénoncé dès dimanche la "politisation" de la CPI, l'accusant de faire le jeu du pouvoir en retirant de l'échiquier congolais la pièce maîtresse de l'opposition.
Mais depuis des semaines, les différents groupes parlementaires d'opposition se disputent sur les termes d'un règlement intérieur, dont l'adoption est un préalable à la désignation d'un porte-parole, conformément à la loi de décembre 2007 sur le statut de l'opposition politique en RDC. "Bemba reste notre candidat au poste de porte-parole", affirme François Muamba, secrétaire général du MLC et numéro un par intérim.
L'adversaire malheureux de Kabila à la présidentielle de 2006, exilé depuis le désarmement forcé de sa garde rapprochée à Kinshasa au printemps 2007, préparait son retour. Il était était donné gagnant, le MLC se prévalant de plus de la moitié des quelque 145 députés et sénateurs d'opposition. "On sait que la donne a changé, mais le plus important est dans un premier temps d'apparaître soudés. On doit ménager les ambitieux qui voudraient vite tourner la page Bemba et les durs qui voudraient mettre le pays dans la rue", explique un cadre du MLC sous couvert d'anomymat.
Lundi, des milliers de partisans ont marché dans les rues de Mbandaka, capitale de l'Equateur (nord-ouest, fief de Bemba), pour exiger la libération de leur leader. Mardi matin, le MLC appelle à un rassemblement "pacifique" à Kinshasa, en signe de solidarité avec le chef emprisonné. A Kinshasa, le gouvernement a sobrement "pris note" de l'arrestation de l'ancien vice-président, tandis que les petits partis d'opposition, qui contestaient jusqu'alors l'hégémonie du MLC, ont adopté un ton prudent.
"C'est comme au Moyen-âge, les seigneurs se font la guerre, mais quand l'un d'entre eux est durement touché, on fait une trêve. Nous avons des questions sérieuses à régler pour organiser l'opposition, nous allons prendre le temps d'en discuter avec les amis du MLC", explique le député Gilbert Kiakwama. Au MLC, les cadres sont conscients des risques d'une guerre de succession aux accents tribalistes: "François Muamba est assez légitime, mais il est du Kasaï. José Makila est de l'Equateur (comme Bemba dont il est parent) mais il est colérique et peu diplomate", soupire déjà l'un d'eux.
Malgré leur amertume, certains jeunes militants estiment que l'arrestation de Bemba peut être une chance pour l'ex-rébellion MLC, muée en parti politique en 2003 après la fin de la dernière guerre en RDC, de tourner enfin la page de sa jeunesse. Le MLC "tourne depuis un an sans Bemba. Il survivra. Mais ceux qui (au pouvoir) sabrent le champagne feraient bien d'être prudents", estime un journaliste pro-MLC, "parce que cette histoire montre bien que personne n'est à l'abri". (belga/7sur7)
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